Photo: Elisabeth Obadia
Il m’arrive de penser que nous autres, photographes aguerris, ne sommes rien que des affabulateurs, doublés de marionnettistes. Autrement dit, que nous consacrons nos existences à faire prendre des vessies pour des lanternes. Parfois, nous nous mettons en scène au cœur de fictions narcissiques qui simulent nos vies véritables. Le pire étant notre habileté à mimer l’authentique.
Pourtant, derrière les décors policés, le réel est souvent affligeant.
Confronté à l’industrie de l’image, au monde de l’art et la compétition féroce qui y règne, il m’est arrivé plus d’une fois de perdre le nord. Maux de dos, insomnies, addictions, prises d'antidépresseurs. Jusqu’à ce que mon corps me lâche…
Les shootings trop rapides et stressants, les destinations lointaines photographiées au pas de course, entre deux avions. Le conformisme, l’hypocrisie du « milieu », les tensions d'egos, la brutalité des rapports de pouvoir. Les plus ineptes conflits de goût, nourris par de constants changements d’air du temps. L’instabilité financière. Tout ceci peut largement suffire à dissoudre les idéaux. Même si demeure tenace la flamme de la passion qui nous a mené là, que faire d’autre que de s'accrocher, s'adapter, jusqu’à se compromettre ?
Et puis, les années passent et on progresse. On apprend à se connaître, à mieux aimer la vie, au point de s’émanciper du cirque mercantile.
Un beau matin, je me suis réveillé en me disant : « Mon p’tit vieux, respecte-toi, ne fais que ce en quoi tu crois, et advienne que pourra ! »
HR