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Texte de Franck Hermann Ekra


Le père à l'enfant : variation sur une histoire de portraits.

Ce 18 mai 2020, marque le cinquième anniversaire de Nathan mon fils, lequel l'a célébré Covid-19 oblige... à 5000 km à vol d'oiseau de moi en soufflant ses bougies sur un gâteau à l'effigie de Black Panther, le héros qu'il s'est donné pour cette heureuse circonstance. L'an dernier à la même époque, je lui offrais curieusement une figurine de Black Panther avec l'intention de mettre en compétition dans son paysage imaginaire, Spiderman et l'icône de l'afrofuturisme popularisée par Hollywood et son cinéma de sécurité nationale. Un héros qui parle Sesotho, une des langues de cette Afrique du Sud polyglotte qui l'a vu naître. Une hésitation de dernière minute de sa part m'a amené à douter de son choix d'objet. La commande étant déjà passée j'ai savouré secrètement cette petite victoire. Mes intimes se sont souvent entendu dire de ma part pour expliquer l'absence de photos de mes proches dans mon univers quotidien : " je n'aime pas les photos, j'aime la photo ". Certains ont pu estimer qu'il s'agissait là de snobisme ou de coquetterie d'esthète pétri des canons occidentaux de la représentation, ou à tout le moins d'une manie de professionnel du regard un tantinet aérien. Il n'en est pourtant absolument rien. C'est à la réflexion, comme souvent, plus simple et plus complexe à la fois. Le lecteur du philosophe Walter Benjamin et de son fameux essai " L'oeuvre d'art à l'âge de sa reproductibilité technique " et des travaux de sémiologie de l'image de Roland Barthes ou de l'historien d'art Hans Belting, s'efface derrière l'enfant pour lequel l'image a joué un rôle d'objet transitionnel au même stade que Nathan, après le stade psychanalytique du miroir. Freud, Lacan et Winnicott, indissociablement ! L'image en question est un portrait de la mère en majesté, dans mon enfance à Grand-Bassam, sur le littoral Atlantique. La photographie comme surface de l'absence-présence est un médium qui recèle une incroyable magie. Elle vous fixe, vous parle, vous hypnotise. De mes enfants et moi, seuls trois portraits ont trouvé grâce à mes yeux. Ils sont l'oeuvre de deux incroyables portraitistes qui sont tous deux mes amis et ont su saisir l'instant photographique, comme des chasseurs saisissent au vif leur proie, après l'avoir longtemps flairé. Henry Roy en 2013 avec Sophia, et Issam Zejly début 2020 pour Nathan duquel quinze ans et un hémisphère la séparent. Henry Roy et Issam Zejly sont tous deux des maîtres du récit photographique. Leur œil intègre une narration, un au-delà de l'image et fait fictionner le réel. Derrière ces trois images entre jeu et réalité, se niche une culture encyclopédique qui puise dans le légendaire urbain et dans les mythologies du quotidien que décline l'univers visuel contemporain, héritiers des grands mythes recyclés par la publicité. Une histoire d'archétypes fondamentaux à tiroir se déploie en toile de fond. Le choix des univers coloriels dit quelque chose du désir, du plaisir, de l'attente et des espérances. La thématique de la protection et l'émotion des corps en osmose, saturent ces scènes de genre, comme l'aurait fait un maître de la lumière comme le peintre viennois Waldmüller, en même temps qu'elles jaillissent du tréfond de l'objectif des deux braconniers. En voyant le rendu mes enfants ont sans doute saisi quelque chose de ce que j'attendais de la photographie. J'en suis infiniment reconnaissant aux deux virtuoses et tire mon chapeau bien bas, à ces maestros de la lentille. Un jour, demain, peut-être... Climbié ! #LAfriquedApres #AfriqueDebout #Villemonde

 

Dernière mise à jour : 16 mars 2021


Des semaines que j’observe en silence le brouhaha consécutif à la propagation du COVID -19. Des jours que je cherche, comme tout le monde, à m’informer à diverses sources, de préférence contradictoires.

Il est vrai, comme l’a exprimé Aurélien Barrau dans une de ses plus récentes vidéos, qu’il est inapproprié de réagir à chaud face à un évènement d’une telle ampleur.

Le risque étant décuplé de prêter sa voix aux rumeurs les plus fantaisistes, déraisonnables et anxiogènes.

Il est aisé, en effet, de se perdre au milieu d’une telle cacophonie, amplifiée par les frustrations générées par les confinements.

Je m’y suis moi-même perdu, avant d’en tirer les quelques observations suivantes.

Il semble bien que cette crise soit autre chose qu’une simple affaire de coronavirus d’origine chinoise. Il est clair qu’en ajoutant au chaos du monde, elle met à jour des enjeux bien plus vastes.

C’est, avant tout, une crise de conscience, qui ébranle sérieusement la légitimité de l’ensemble du système médiatique et, par conséquent, la véracité du réel qui nous est proposé.

Un ennemi invisible dont la dangerosité semble considérablement varier selon les régions du globe où il se répand est un parfait catalyseur de paranoïa.

D’autant qu’à de rares exceptions près, le mensonge d’état (qu’il soit démocratique ou autoritaire) s’est imposé comme stratégie de communication privilégiée.

Rien de nouveau dans la façon qu’ont les gouvernants de nous berner pour préserver leurs intérêts de caste. Un changement progressif est sans doute à mettre au crédit de l’élargissement de conscience de populations de plus en plus portées sur les médias alternatifs.

Puisque l’on peut lire et entendre tout et son contraire, à qui doit-on se fier ? Cette interrogation renforce la peur et son lot de projections, plus ou moins fondées.

Nous évoluons dans un espace saturé de données de provenances multiples, où domine un irrationnel inextricable.

Ces flux désordonnés résultent de la confrontation des intérêts des milliards d’individus que nous sommes. Individus à ce point minés par l’insécurité et la peur de la mort, qu’ils ont souvent du mal à penser le bien commun.

Il devient hasardeux de se fier à nos gouvernements qui, c’est un fait avéré, servent les projets supranationaux de plus puissant qu’eux. Une oligarchie qui décide, hors de la sphère démocratique, de l’ordre économique auquel nous sommes soumis. Il est compréhensible que cette clandestinité alimente les théories conspirationnistes.

Prétendre que toute hypothèse complotiste est une dangereuse subversion ne peut que conforter de telles théories. Car ça ne fait que renforcer la vocation qu’ont ces idées à se nourrir de la censure des élites qu’elles désignent.

N’est-ce pas, d’ailleurs, dans la nature humaine de comploter ? Des mini complots se fomentent à tout instant, dans chaque recoin du monde, dès lors que nos cerveaux s’allient pour imaginer des stratégies d’accaparement ou d’expansion.

L’existence d’une élite planétaire qui manipulerait nos consciences dans un but inavoué, comme le ferait un groupe d’individus au sein d’une entreprise ou d’un parti politique, n’est même plus un secret véritable.

Ca n’est finalement qu’une question d’échelle.

Le propos est de savoir quels intérêts motivent telle ou telle décision, ce que cache telle information.

Peu d’entre nous sommes prêts à nous livrer à un travail d’enquête ou d’investigation pour démêler le vrai du fake.

Nous faisons donc le tri selon nos sensibilités, croyances, orientations politiques ou confessions religieuses. Les frontières entre les divers camps sont tracées à l’avance.

Le COVID -19 ne fait qu’exacerber ce qui est déjà, accentuer des alliances et divisions préexistantes.

Je ne crois pas, comme le prétendent certains, qu’il puisse changer le monde. En revanche, il pourrait, fort de la crise économique qui se déploie, en radicaliser les tendances, positives et négatives, en accroitre les tensions.

L’espoir qu’il puisse y avoir une version officielle de la réalité à laquelle nous puissions nous accrocher en prend un sacré coup.

Il s’avère de plus en plus clairement qu’un réel fixe, stable, sur lequel compter, ne peut plus être envisagé.

La réalité contemporaine est résolument plurielle, fluctuante, insaisissable. Elle se présente comme une série d’hypothèses, de spéculations subjectives, souvent invérifiables. D’autant moins que la plupart des journalistes et scientifiques, autrefois garants d’une raison considérée comme objective, sont aujourd’hui aux ordres d’intérêts économiques suspects. Ce qui les a privés de toute crédibilité.

Divers courants politiques, tels que le trumpisme, ont parfaitement compris comment instrumentaliser ce discrédit.

Ses partisans complotistes d’extrême droite en appellent à une rébellion « anti système » aux accents patriotiques et messianiques, tout en servant une politique qui n'est qu'une version protectionniste du néolibéralisme. Leur fantasme est d’infléchir la pyramide des pouvoirs en leur faveur, sans pour autant déconstruire l’ordre économique capitaliste. Puisqu’ils souhaitent, plus que tout, préserver la suprématie menacée de l’homme blanc d’ascendance européenne.

A l’opposé du spectre politique, les « bien-pensants » mondialistes de gauche défendent une idée vertueuse et idéaliste de l’humanité qui peine à trouver ses applications dans un contexte de repli généralisé.

Ils en appellent au changement radical auquel ils semblent seuls à croire. Contrairement à leurs adversaires, ils ne s’appuient sur aucune construction politique ou économique clairement établie et comptent sur un hypothétique bon sens de masse pour redresser la barre d’une planète en déroute. Ainsi que sur les réflexes coopératifs suscités par un prochain effondrement systémique. Dans ce but, ils proposent de multiplier les communautés territoriales résilientes.

S’ils peuvent sembler méconnaitre l’espèce humaine, ceux-là me sont infiniment plus sympathiques.

Mais tout n’est pas si tranché, ni linéaire. Parmi les conspirationnistes se trouvent des écolos anticapitalistes, promoteurs de la théorie post New Age de la Nouvelle Terre.

Inversement, parmi les écolos collapsologues se comptent des survivalistes, partisans d’une version individualiste et darwinienne de l’Apocalypse. Toutes les combinaisons se croisent et se mêlent ainsi, dans toutes les directions.

Pour les uns et les autres, le COVID -19 est une opportunité de voir pencher la balance du côté de leurs prévisions.

Les hommes et les femmes fauchés par l’infection sont donc otages de visions du monde concurrentes.

Aussitôt le décompte des décès annoncé, il est objet d’interprétations orientées.

Mais personne n’y voit clair dans cette complexité. Tout est si dramatique, rapide et confus que nos intellects peinent à suivre le défilement évènementiel.

Il y a celles et ceux, dont je suis, qui se tournent en eux-mêmes et interrogent le monde qui les habite, miroir individué du chaos planétaire.

En un effort soutenu de concentration, j’observe mes pensées, ouvrières du vacarme qui m’encombre l’esprit. Elles jaillissent de je ne sais où, tournent à vide, en boucles successives, puis disparaissent enfin, remplacées par d’autres, tout aussi vaines.

Des pensées embarrassantes, sans objet, produites par défaut.

Il me faut une volonté de fer pour les chasser de là, les réduire au silence.

Leur absence laisse un calme ressenti comme ultime refuge.

Plus de peur, pas la moindre émotion. Plus de saleté de virus, de confinement, de crise économique, plus de complot sataniste, ni de lendemains catastrophiques. Rien d’autre que ma respiration, et que l’obscurité de mes deux yeux fermés.

Je me suis affranchi de mon identité, et de l’agitation du monde, pour entrer dans une intimité d’où observe cette part de moi-même libérée de toute apesanteur. Me voici enfin revenu en mon centre ! J’aimerai y durer, mais je sais que je n’y tiendrais pas bien longtemps.

Je me sens y puiser ce souffle essentiel, cette forme d’acuité dont je ne saurais dire comment elle se manifestera dans ma vie matérielle.

Le monde est un théâtre où nous sommes créateurs des rôles que nous jouons. La difficulté est d’en conquérir la conscience profonde, afin d’en imprégner le réel tridimensionnel.

En ces temps de délitement, prendre en charge son propre trouble existentiel, et aller puiser au fond de soi les ressors d’une action inspirée, pourraient s’avérer les moyens les plus sûrs d’échapper à la traque des algorithmes.

Il s’agit, face à l’adversité, d’envisager de nouvelles façons d’être humains.

Le confinement a au moins le mérite de nous offrir à tous.tes.s cette belle opportunité.

HR

 
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